Les Diamants de la Couronne de France
historique succinct
La collection des joyaux de la Couronne de France qui constituaient un trésor d'Etat inaliénable, était désignée officiellement sous le nom de "Diamants de la Couronne", même quand les bijoux ne comportaient pas de diamants (perles, rubis, saphirs, etc.). C'est pourquoi nous emploierons indistinctement les deux expressions : Diamants ou Joyaux de la Couronne.
15 juin 1530 – François 1er crée le trésor inaliénable des "Diamants de la Couronne". Il sélectionne 8 bijoux qui devaient constituer le noyau de la collection. La plupart venaient de son épouse Claude de France. Le spinelle "Côte de Bretagne", retaillé en forme de dragon pour être intégré à l'insigne de la Toison d'Or de Louis XV, est le seul joyau, datant de cette époque, encore conservé au Louvre. Il est donc aussi le plus ancien.
1661 – Mazarin Lègue à Louis XIV 18 diamants magnifiques qui portèrent son nom.
Le plus gros : Le Sancy (55 carats - ancienne collection de Jacques 1er) (Louvre).
Subsistent aussi les « Mazarins » 17 et 18 qui sont insérés dans la broche-pendentif de l’Impératrice Eugénie (Louvre).
Inventaire de la collection de Louis XIV en 1691
Extraits du livre de Bernard Morel : « Les Joyaux de la Couronne de France ». Ed. Albin Michel, 1988 (p. 166).
Le 10 septembre 1691 fut close à Versailles la rédaction de l’inventaire de l’ensemble des diamants et pierreries de la Couronne de France.
Le chapitre 1 concernait 3 pierres à l’usage du roi.
La première était le Sancy (Louvre) estimé 600 000 livres ;
la seconde le Diamant Bleu estimé 400 000 livres (volé en 1792, et retaillé par Hope) ;
et la troisième, le Grand Saphir de Louis XIV (Muséum d’histoire naturelle, Paris) estimé 40 000 livres.
Le roi portait généralement le Sancy au chapeau. Quant au Diamant Bleu, monté sur un bâtonnet d’or émaillé, il servait d’épingle à la cravate de dentelles. La monture d’or du Grand Saphir nous laisse à penser qu’il servait aussi d’épingle de cravate.
Le chapitre 2 était une grande chaîne formé de 45 grands diamants tous taillés en table, sauf une pointe de 8 carats 1/2 – série de chatons reliés par des crochets qui portaient quelques-uns des plus beaux diamants de la couronne : le De Guise, le Second Mazarin, Le Miroir de Portugal, le Grand Mazarin, et les Mazarins VIII, X, XII, XIII, XIV. Etc.
Les 45 diamants de la chaîne montaient à 1 996 000 livres.
Le chapitre 3 décrivait une parure de diamants pour le roi, composée de 123 boutons de justaucorps, de 300 boutonnières, de 19 fleurons de boutonnières de justaucorps, de 48 boutons et boutonnières pour la veste (sorte de gilet long boutonné porté sous le justaucorps), d’une croix de chevalier de l’ordre du Saint-Esprit pour le justaucorps (redingote ouverte), et d’une croix de l’ordre du Saint-Esprit pour pendre au bas du cordon bleu, et enfin d’un crochet de chapeau.
151 des 300 boutonnières étaient de 5 diamants chacune, et étaient estimées 3738 livres pièce – et les 149 autres d’un seul diamant de 2500 livres l’unité, pour un total de 936 938 livres.
Les 19 fleurons totalisaient 787 495 livres.
Les 48 boutons de veste et boutonnières revenant à 185 136 livres.
La croix de chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit était composée de 112 diamants. Le corps de la colombe était un brillant pendeloque de 35 000 livres, et les ailes formées de 2 autres brillants pendeloques estimés ensemble 42 000 livres. Valeur du joyau : 150 750 livres.
La croix « pour le cordon bleu de Sa Majesté » réunissait 120 diamants qui totalisaient 155 666 livres.
Le crochet de chapeau était un merveilleux bijou orné de 7 grands diamants. Le principal était la seconde grande pierre ramenée par Tavernier, pesant 43,80 carats pour 200 000 livres. Valeur du crochet : 470 000 livres.
Le roi portait le magnifique Diamant Bleu à sa cravate. (volé en 1792, retaillé et devenu le "Hope")
La valeur de la parure entière de diamants pour le roi montait à 4 511 373 livres.
Le chapitre 4 concernait une parure de toutes pierres pour le roi (pierres de toutes les couleurs). Elle était composée de 168 boutons, de 336 boutonnières, de 19 fleurons de boutonnières pour le justaucorps, 48 boutons et 96 boutonnières pour la veste, d’une croix de chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit, d’une épée (66 pierres de couleurs et 121 diamants) avec sa garniture de baudrier (83 pierres et 137 diamants), d’un crochet de chapeau, et de deux paires de boucles de jarretières.
Le roi portait le Grand Saphir (135,80 carats) à sa cravate.
La parure de toutes pierres totalisait la somme de 940 070 livres.
Le chapitre 5 décrivait une parure de perles et de diamants pour le roi, composée de 130 boutonnières de justaucorps, de 19 fleurons de boutonnières et d’un crochet de chapeau, parure qui était portée particulièrement les jours de grand deuil.
La parure complète de perles et diamants montait à 1 499 713 livres.
Le chapitre 6 décrivait un crochet de chapeau non compris dans les parures. Il était orné de 7 diamants taillés en brillants. Valeur de ce crochet : 188 290 livres.
Un second crochet de chapeau orné d’un seul diamant couleur fleur-de-pêcher estimé à 43 866 livres.
Le chapitre 7 décrivait le collier d’Anne d’Autriche réunissant 25 grosses perles rondes de bel Orient, estimé 250 000 livres.
Suivait la plus belle perle ronde alors connue, que le roi avait achetée à Bazu en 1669, estimée 90 000 livres : « la Reine des Perles ».
Le chapitre 8 concernait 4 paires de pendants d’oreilles.
Chaque pendant de la première paire s’ornait de 4 grands diamants. L’un des deux avait au bouton le Quatrième Mazarin, et en pendentif le Cinquième Mazarin. Le second avait au bouton le Richelieu, et en pendant principal le Sixième Mazarin. Cette paire de pendants d’oreilles en girandoles montait à 500 000 livres.
La seconde paire réunissait quatre beaux diamants. Valeur : 205 000 livres.
Chaque boucle de la troisième paire, en girandole, était formée d’une perle plate en bouton où pendaient trois perles poires attachées à 4 diamants taillés à facettes. Valeur : 53 400 livres.
La quatrième paire de pendants d’oreilles réunissait deux fois onze diamants taillés en pendeloques et placés en girandoles ; les 22 pierres estimées 44 000 livres.
Le chapitre 9 concernait 3 poinçons ou épingles pour chevelure, l’un portant un grand diamant jaune à facettes en forme de cœur estimé 20 000 livres ; le second, un diamant taille rose en forme de cœur couleur de topaze, estimé 11 000 livres ; le troisième, un diamant taillé en pointe, couleur de foin, estimé 10 000 livres.
Le dixième et dernier chapitre comprenait une nouvelle épée à lame damasquinée et à poignée d’or, enrichie de 131 diamants, payés 23 769 livres, et 20 ferrets de petits diamants pour 4 000 livres.
Au total, il y avait 5 885 diamants, 1 588 pierres de couleur dont le plus beau saphir alors connu au monde (le Grand Saphir de Louis XIV), et 488 perles, dont la plus belle perle ronde connue en Europe, « la Reine des Perles » de 112,25 grains métriques.
Valeur totale : 11 430 481 livres. Les plus beaux joyaux d’Europe.
Dans l’esprit du roi et de Colbert, il ne s’agissait pas là seulement d’un luxe gratuit. Ils créaient ainsi pour l’Etat une dernière réserve monétaire prête à servir dans des cas extrêmes, mais si le roi dut sacrifier vers la fin du règne sa vaisselle d’or et le mobilier d’argent de Versailles, jamais il ne mit en gage les joyaux de l’Etat ; il fut simplement contraint, de 1691 à 1715, de ne point les enrichir.
De même, « le plus grand roi du monde » se devait de posséder la plus riche collection de joyaux de la Chrétienté.
Bien entendu, le roi garda la tradition d’un trésor particulier dont il faisait ce que bon lui semblait. Il faut ajouter les innombrables bijoux dont il combla ses maîtresses, et les cadeaux de joaillerie faits aux souverains et ambassadeurs.
Au cours de la seule année 1687, il dépensa plus de 2 millions de livres en pierreries.
Cela fit beaucoup pour conforter la suprématie de la joaillerie française.
Monsieur (Philippe d’Orléans), frère du roi, possédait pour plus de 5 millions de livres de pierreries.
A la succession de Mme de Maintenon (seconde épouse du roi), on trouvera pour 3 millions de livres de pierreries.
En 1717 - Acquisition par Philippe d'Orléans, régent de France, d'un diamant de 140,64 carats (découvert en Inde en 1698) qui portera son nom : Le Régent. Ce diamant orna la couronne de sacre de Louis XV (Louvre), et l'épée du sacre de Napoléon 1er (Fontainebleau).
En 1792, pendant la période révolutionnaire, vol des Diamants de la Couronne. Une partie est retrouvée.
A partir de 1805, l’empereur Napoléon 1er effectue des acquisitions importantes.
En 1814, le trésor ("Diamants de la Couronne") comprenait : 65 072 pierres et perles, la plupart montées en bijoux.
Ce trésor ne comprend pas différentes parures personnelles offertes à Joséphine ou Marie-Louise...
Napoléon III enrichit à son tour les "Diamants de la Couronne".
A la chute du Second Empire, les Joyaux de la Couronne étaient composés de :
51 403 diamants, taille brillant.
21 119 diamants, taille rose.
2 962 perles.
507 rubis - 136 saphirs - 250 émeraudes.
528 turquoises - 22 opales - 235 améthystes.
500 autres pierres.
Soit : 77 662 pierres et perles.
1887 - Année d’une catastrophe nationale. Sur décision de la IIIe République, les joyaux de la Couronne de France sont dispersés aux enchères publiques lors de 9 vacations du 12 au 23 mai 1887. Le prétexte était la suppression des symboles monarchistes. Bravo à Benjamin Raspail, Jules Grévy, et Sadi-Carnot, troïka de la stupidité responsable de cette dispersion ! La conséquence fut la perte irrémédiable d'un trésor historique inouï.
- Quelques pierres ou pièces historiques sont cependant conservées au Louvre. (Le Régent, le spinelle « Côte de Bretagne », la broche-pendentif de l’Impératrice Eugénie, la montre du Dey d'Alger (ornée de 265 diamants), l’épée du sacre de Charles X (volée en 1976), etc.)
- Quelques pierres exceptionnelles sont attribuées au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris :
Le Grand Saphir de Louis XIV (« Ruspoli », 135,80 carats) -
La Topaze de Louis XIV (28,10 carats) -
Le Diamant-portrait de l’impératrice Marie-Louise (9,10 carats) -
La grande Opale de Louis XVIII - Le Saphir bicolore (19,67 carats) - Le Diamant Jonquille (9,75 cts) -
La grande Emeraude de Louis XIV (17 cts) -
L’Améthyste de Marie-Louise (Souvenir de la parure livrée par Nitot pour l’Impératrice) -
L'Emeraude provenant de la Sainte Couronne (51,60 carats - c'était la couronne la plus ancienne, dépecée en 1794).
Ainsi que plus de 800 perles et pierres moins importantes.
- Un ensemble de 1 044 pierres et perles en provenance des Joyaux de la Couronne est cédé à l’Ecole des Mines à Paris.
Depuis 1953, le musée du Louvre fait régulièrement des acquisitions importantes pour reconstituer en partie une collection de joyaux qui était l’une des plus belles au monde.
1953 – Plaque de l’Ordre du Saint-Esprit. 400 brillants et un rubis.
1973 – Dons Claude Menier :
- deux grosses perles poires (pendants d’oreille de Joséphine).
- deux bracelets de rubis et diamants (réutilisation d’une parure de Marie-Louise). 72 rubis et 420 brillants. (faisait partie des "Diamants de la Couronne")
1978 – Le « Sancy ». 55,23 carats. (faisait partie des "Diamants de la Couronne")
1985 – Parure complète de saphirs et diamants de la reine Marie-Amélie (réutilisation d’une parure de la reine Hortense). 42 saphirs, et 2 147 diamants.
1988 – Don Roberto Polo : Couronne en or d’Eugénie (1855), réalisée par A.-Gabriel Lemonnier. 56 émeraudes, et 2 490 diamants. (faisait partie des "Diamants de la Couronne")
1992 – Diadème de perles et diamants d’Eugénie (réutilisation d’une parure de Marie-Louise), réalisée par A.-Gabriel Lemonnier. 212 perles, et 1998 diamants. Acquis pour 3 719 730 F. (faisait partie des "Diamants de la Couronne")
2001 – Parure en or et micro-mosaïques de l'Impératrice Marie-Louise, réalisée par Nitot. Acquise pour 609 202 F. (faisait partie des "Diamants de la Couronne")
2002 – Diadème de la duchesse d'Angoulême, réalisé par Frédéric et Evrard Bapst. 40 émeraudes et 1 031 brillants. (faisait partie des "Diamants de la Couronne")
2004 – Collier et pendants d’oreille de la parure de diamants et émeraudes de l'Impératrice Marie-Louise, réalisés par Nitot. 38 émeraudes, et 1 256 diamants. Acquis pour 3,7 M€.
Deux acquisitions récentes :
Avril 2008 – Acquisition, pour 6,72 millions d’euros, du Grand Nœud de ceinture de diamants (composé de 2 634 diamants), offert par Napoléon III à l'Impératrice Eugénie à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1855. Ce joyau, qui faisait partie des "Diamants de la Couronne", se trouvait dans une collection américaine depuis plus d’un siècle.
Février 2009 - Vente Yves Saint-Laurent – Pierre Bergé. La Société des amis du musée du Louvre s’est portée acquéreur pour 481 000 €, d'une exceptionnelle boite à portrait de Louis XIV, enrichie de 92 diamants taillés en roses.
A trois exceptions près, les bijoux choisis pour illustrer cette rubrique sont exposés au musée du Louvre.
Quand la nouvelle présentation des joyaux sera achevée dans la vitrine de la galerie d’Apollon du Louvre, nous pourrons admirer un ensemble de bijoux, de provenance royale ou impériale, rassemblant plus de 11 000 pierres et perles.
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